Page:Gregory - En racontant, 1886.djvu/119

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
113
EN FLORIDE

et appât de crevette, devient monotone, aussi l’abandonnâmes-nous bientôt.

Nous étions dans le voisinage immédiat d’une orangerie renfermant des centaines d’arbres chargés d’oranges mûres et douces, et dont le parfum nous était apporté sur les ailes d’une brise rafraîchissante. Au milieu de cette atmosphère embaumée, dans une température aussi délicieuse, nous répétions et nous comprenions ces beaux vers de La Fontaine :

« Orangers, arbres que j’adore,
Que vos parfums me semblent doux !
Est-il dans l’empire de Flore
Rien d’agréable comme vous ? »

Nous donnâmes l’ordre à notre batelier de mettre à terre. Ayant traversé une avenue bordée de chênes verts, nous nous trouvâmes sur la jolie propriété de M. Mitchell, citoyen riche, dont la demeure, dans le Nord, est au Wisconsin, et dont la famille passe l’hiver ici. Nous marchions au milieu des bosquets, nous tenant avec soin les mains derrière le dos, pensant nous donner ainsi une plus grande apparence d’honnêteté, vu que la vue des fruits nous inspirait de fortes tentations et que nous résistions avec peine au désir de cueillir une orange. Arrivés en face de la demeure, nous vîmes deux dames, tête nue, sur la véranda, occupées évidemment à quelque ouvrage de fantaisie. Nous priâmes