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L’ÎLE D’ANTICOSTI

portaient que dix-sept matelots n’avaient pas voulu abandonner M. de Freneuse qui ne pouvait se décider à quitter son navire, et on peut se faire une idée de cette première nuit passée par les uns sans abri et sans feu sur cette terre de l’Anticosti, par les autres sur un navire battu en brèche par la mer, et avec la certitude d’être engouffrés d’une minute à l’autre.

« À minuit, la tempête était dans toute sa violence, et chacun avait perdu l’espoir de se sauver, lorsqu’au petit jour on s’aperçoit que le navire tenait bon. La violence du flot était tombée ; il n’y avait pas une minute à perdre pour le sauvetage, et chacun se mettant à l’œuvre, on embarqua des provisions avariées, les outils du charpentier, du goudron, une hache, quelques voiles, puis il fallut regagner terre, et le capitaine de Freneuse, les larmes aux yeux, et emportant son pavillon, fut le dernier à quitter l’épave de la Renommée.

« Cette seconde nuit, passée sur l’île, fut encore plus triste que la première, car il tomba deux pieds de neige, et, sans les voiles, tout le monde serait mort de froid. Ces rudes débuts ne découragèrent personne ; de suite on se mit au travail. Le mât d’artimon de la Renommée était venu au plain ; on tailla dedans une quille nouvelle pour la chaloupe ; elle fut calfatée avec soin, et son étambot et ses bordages furent refaits à neuf. Pendant que les