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EN RACONTANT

je ne puis en jouir moi-même, mon appétit m’abondonne ! »

Il me fut impossible de l’amener à faire un bon repas. Il quitta bientôt la table, évidemment anxieux de retourner chez lui, avec quelque chose pour sa femme et ses enfants.

J’ordonnai, en conséquence, de lancer la grande chaloupe à la mer. Elle fut chargée de plusieurs quarts de farine, de pois, de lard, en quantité suffisante pour leur permettre de passer l’hiver, et l’on y déposa, pour couronner le tout, le paquet de linge. Des matelots vigoureux la conduisaient ; Jones, s’étant assis près de son trésor, fut ramené à terre.

Il me semble avoir encore sous les yeux les chaudes et vibrantes effusions de reconnaissance, et entendre les bénédictions de ce malheureux, rendu à la vie avec sa famille.

Quelle joie ce dût être quand il arriva chez lui, chargé de cette richesse, premières nécessités de la vie auxquelles ils étaient étrangers depuis longtemps !

Comme je lui avais laissé de la poudre et du plomb, il pouvait faire la chasse au caribou, au lagopède ou ptarmigan, que l’on découvre dans les environs, et ajouter ainsi du gibier à ses autres provisions.