Page:Grelé - Jules Barbey d’Aurevilly, L’œuvre, 1904.djvu/183

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ment une conception ferme de son esprit ou à exprimer une aspiration précise de son âme, son style est calme, quoique vivant, et bien français, quoique original. C'est alors qu'il admire, comme il dit, « ce pur camée de langue française » (1) et qu'il parle « simplement et virilement cette belle langue, que nous devrions tous respecter comme la parole de notre mère... » (2) S'il ne la parle pas toujours simplement, du moins il la parle virilement. La virilité, n'est-ce pas le suprême épanouis- sement de la vie ?

Il reste à noter quelques particularités du style de Barbey d'Aurevilly. C'est un style vivant, non un style travaillé d'artiste patient. L'auteur à' Une Vieille Maî- tresse et de Y Ensorcelée le déclare en maints passages. « Je ne suis pas, — dit-il, — le lys sensitive du beau, du correct, du convenable et de la perfection. Je suis un grossier... » (3). Il veut dire seulement: je ne suis pas un raffiné. Ailleurs, il s'accuse de n'être qu'un «. cosaque indiscipliné » (4). Et, de fait, il a raison souvent de se donner tort: car son romantisme le pousse à de regret- tables excès d'expression. Il parle, en quelque endroit, de « la glorieuse ventrée de poètes qu'avait portée 1830 »(5). Les termes sont certainement, ici, d'un romantisme trop brut. D'ailleurs, on pourrait multiplier les exemples où d'Aurevilly, entraîné par l'élan de ses idées ou de ses images fougueuses, heurte décidément le bon goût et rappelle trop fréquemment Brébeuf ou Scudéry. Mais il vaut mieux mettre en lumière ses jolies trouvailles de

(1) Le ConslUuHoiinel, 19 avril ISl.'J.

(2) Le l'ays, 24 avril 1854.

(3) Lettre à Trebutien (1856).

(4) LeUre à Trebutien (18.55).

(5) Les Poêles, p. 203 (éd. Amyot, 1862).