Page:Grelé - Jules Barbey d’Aurevilly, L’œuvre, 1904.djvu/41

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Vu son tempérament, Barbey d'Aurevilly ne pouvait que se ranger sous la bannière des apôtres de l'idée nouvelle. Au surplus, on ne naît pas impunément à une époque de trouble et de confusion, où tous les vieux systèmes sont battus en brèche et où les jeunes généra- tions, encore hésitantes à travers tant de tâtonnements et d'incertitudes où elles se débattent, essayent de démêler quelque chose, une direction sinon une règle, dans le chaos universel. 11 est donc probable qu'en tout état de cause, et quelles que fussent ses tendances pro- pres, le fils de Théophile Barbey, échappé à l'autorité paternelle et libéré du joug des traditions ancestrales, se fût, vers 1S30, rallié à l'idéal romantique.

Seulement, comme il n'entendait relever que de lui- même, et que dès son adolescence il ne consentait pas à s'inchner devant les idoles du jour, il se tint à l'écart de tout cénacle. Ainsi, il nous a donné le spectacle peu banal d'un Romantique tout à fait indépendant, ennemi des coteries, libre de ses mouvements et n'ayant aucune accointance avec les Dieux ou les sous-Dieux de l'Olympe récemment éclos.

Si je rappelle, une fois encore, son Ode aux Thermo- pyles, écrite en 1824, c'est pour bien montrer qu'à son âge de seize ans il n'était pas en possession de ses facultés intellectuelles. Il n'était rien alors, si ce n'est un assez mauvais élève du mauvais poète lyrique Casimir Dela- vigne, et c'est presque la même chose que rien. Son éducation à Saint-Sauveur-le- Vicomte avait développé sa sensibilité et enrichi son imagination : elle n'avait point formé son esprit. Ce jeune esprit, avide de vivre, en quête d'une voie à suivre et de terrains à explorer, rece- vait pour ainsi dire la première secousse qui lui était imprimée. 11 était un petit Delavigne, comme il eût pu