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Page:Grelé - Jules Barbey d’Aurevilly, L’œuvre, 1904.djvu/79

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blessé dans mes ambitions, dans mon orgueil, dans tout ce qui fait la force de la vie plus tard. Je la quittai respectueux, mais ferme, mais décidé à ne plus m'ap- puyer que sur moi. J'étais bien jeune alors. Une éduca- tion compressive avait pesé sur moi sans me briser. Quand j'ôtai mon âme de cette camisole de forçat, le bien-être des fers tombés me saisit comme une ivresse. Cela sulïirait à expliquer la vie dissipée dont j'ai vécu. Un oncle, le chevalier de Marsse, que vous avez connu, et qui, ancien cadet de famille, n'avait pas grand'chose, me donna pourtant tout ce qu'il avait, parce qu'il était mon parrain. Si peu que ce fût, ce peu garantissait mon indépendance pendant quelques années. Du reste, les chances de la vie ne m'effrayaient pas. Je suis naturel- lement aventurier... Je l'ai été dans ma vie. Je le suis dans mes facultés. J'aime les périls et les anxiétés cachés au fond des choses inconnues et des événements incertains. Toutes les difficultés m'attirent, et c'est peut- être cette disposition qui m'a fait aimer Vellini... J'ai dépensé une grande activité dans de grands désordres. J'ai été ce que sont la plupart des caractères passionnés dans un temps comme le nôtre. » (1).

Et, à mesure que d'Aurevilly avance dans la vie, il prend de plus en plus plaisir à se dessiner lui-même. Il sera, ou plutôt il voudrait être le vicomte de Brassard, du Rideau Cramoisi. « C'était un Dandy que le vicomte de Brassard. S'il l'eût été moins, il serait devenu certai- nement maréchal de France... mais le dandysme ! Si vous combinez le dandysme avec les qualités qui font l'officier : le sentiment de la discipline, la régularité .dans le service, etc., etc., vous verrez ce qui restera de

(1) Une Vieille Maîtresse (éd. Lemene, t. l, ji. 124, 125, 126, 127),