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Page:Grenier - Souvenirs littéraires, 1894.djvu/36

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choses un arc-en-ciel de bienveillance et de beauté ne provenait pas seulement de son imagination : il l’avait aussi dans le cœur. Le fond de sa nature, sa qualité maîtresse, comme on dit à présent, était la magnificence et la générosité. C’est ce qui fit de lui le héros de 1848, l’improvisateur inspiré de tant de beaux discours, de si admirables poésies que tout le monde connaît, et l’auteur ignoré de tant de bienfaits inconnus, et aussi, hélas ! pourquoi ne pas le dire ? le vieillard indigent des dernières années qui tendait la main à la France oublieuse.

Puisque j’ai fait allusion à cette triste et suprême période de sa vie, qu’il me soit permis de donner ici les explications les plus plausibles de cette ruine, telles du moins que je me les suis données dans le temps à moi-même, ou que je les ai recueillies dans son entourage. La première atteinte portée à sa fortune fut peut-être ce fastueux voyage en Orient, quoiqu’il ait prétendu qu’il ne lui avait coûté en tout que deux cent mille francs. La politique, qui le prit à son retour, n’était pas faite pour réparer cette première brèche ; la révolution de 1848, qui ruinait tout le monde, ne pouvait qu’aggraver cet arriéré. On le voyait au pouvoir, on croyait à sa richesse, on savait, en tout cas, son inépuisable charité, et toutes les misères, vrais ou fausses, s’adressaient à lui, comme toutes les espérances. Ce qu’il donna