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Page:Grenier - Souvenirs littéraires, 1894.djvu/37

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durant le court règne de sa popularité est incroyable : Mme de Lamartine m’avoua un jour que leurs aumônes de quelques mois, en 1848, avaient dépassé cent mille francs. Peut-être, en liquidant sa situation après le coup d’État, n’eût-elle eu rien d’irréparable. Mais la confiance en son génie et son travail, et, il faut le dire aussi, son infatuation étrange à l’endroit de sa science financière, l’emportèrent et le précipitèrent dans l’abîme. Il voyait les Girardin, les Mirès, les Perreire, élever de rapides et colossales fortunes. Il se croyait de force à les imiter et à les dépasser. Ne m’a-t-il pas dit à moi-même et sérieusement : « Je n’ai jamais étudié que deux choses, l’économie politique et les finances » ? Je n’ai pu m’empêcher de sourire en entendant ces paroles et j’ai fait sourire en les citant parfois. Mais, qui sait ? peut-être étaient-elles vraies, autant qu’elles étaient sincères. Je l’ai déjà dit : il se fiait presque toujours à son intuition, et s’il a dû étudier quelque chose par exception, ce devaient être les questions relevant de la science et de l’expérience, où cet instinct divinatoire devait s’appuyer au moins sur des connaissances acquises. Cette illusion à l’endroit de sa capacité financière et de son génie spéculateur n’était pas le seul danger de cette noble nature : sa bonté de cœur, jointe à ses habitudes de patronage et de grand seigneur, lui faisait acheter autour de Saint-Point