Page:Gresset - Ver-vert ou le voyage du perroquet de Nevers, 1735.djvu/6

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6 VER-VERT,

De mon Héros les illustres malheurs,
Peuvent aussi se promettre vos pleurs.
Sur sa vertu, par le sort traversée,
sur son voyage et ses longues erreurs,
on auroit pû faire une autre odissée ;
et, par vingt chants, endormir les lecteurs :
on auroit pû, des fables surannées,
ressusciter les diables et les dieux ;
des faits d’un mois, occuper des années ;
et, sur des tons d’un sublime ennuyeux,
psalmodier la course infortunée
d’un perroquet, non moins brillant qu’énée,
non moins dévôt, plus malheureux que lui.
Mais trop de vers entraînent trop d’ennui.
Les muses sont des abeilles volages ;
leur goût voltige, il fuit les longs ouvrages ;
et, ne prenant que la fleur d’un sujet,
vole bien-tôt sur un nouvel objet.
Dans vos leçons j’ai puisé ces maximes ;
puissent vos loix se lire dans mes rimes !
Si, trop sincere, en traçant ces portraits,
j’ai dévoilé les mistéres secrets,
l’art des parloirs, la science des grilles,
les graves riens, les mistiques vetilles,
votre enjoûment me passera ces traits ;
votre raison, exempte de foiblesses,
sçait vous sauver ces fades petitesses ;
sur votre esprit, soumis au seul devoir,
L’illusion n’eut jamais de pouvoir :