Page:Grillet - Les ancêtres du violon et du violoncelle, 1901,T1.djvu/114

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L’un des deux rivaux dit à l’autre :

Ge te dirai que ge sai faire
Ge sui jugleres de vièle,
Si sai de muse et de frestele
Et de harpe et de chifonie
De la gigue, de l’armonie ;
Et el salteire et en la rôte
Sai-ge bien chanter une note.

Saint Louis exempta les jongleurs qui arrivaient à Paris du droit de péage qui se percevait à l’entrée de la ville, sous le petit Chastelet, à condition qu’ils feraient sauter leurs singes et chanteraient une chanson devant le péager : « Li singes au marchant doit quatre deniers, se il pour vendre la porte ; et si li singes est à home qui l’ai acheté par son déduit, si est quites, et se li singes est au joueur, jouer en doit devant le paagier, et por son jeu doit estre quites de toute la chose qu’il achète à son usage, et ausitost li jongleur sont quite por un ver de chançon[1] » De là le proverbe, payer en gambades on en monnaie de singe.

Les trouvères cultivaient aussi la vièle, de là les noms et surnoms de viéleurs donnés à quelques poètes musiciens. Parmi les plus célèbres, on cite Jonglet : « qui fut, dit Fauchet, un menestrier appris, fort renommé et estimé… comme principal en ce mestier près le dit empereur Conrad ».

  1. Establissements des métiers de Paris, par Estienne Boileau, qui fust prévost de Paris, depuis 1258 jusqu’en 1268, manuscr. fonds de Sorbonne, chap. del paage de petil pont. Cité par Roquefort.

    « À Rouen, une franchise semblable fut accordée naguère, non pas aux singes, mais aux célestins. Les religieux de cet ordre n’étaient exempts de payer l’entrée de leur boisson qu’à la charge qu’un père célestin marcherait à la tête de la première des charrettes sur lesquelles on conduisait le vin, et sauterait d’un air gai, en passant auprès de la maison du gouverneur de la ville. Le père Lecomte, célestin, donna connaissance à Richelet de cette singulière coutume : il ajoute qu’une fois un de leurs frères parut devant les charrettes plus gaillard que tous ceux qu’on avait vus auparavant, et que le gouverneur s’écria : « voilà un plaisant célestin ! » c’est-à-dire un célestin qui, en matière de gambades, l’emportait sur tous ses compagnons. Cela passa en proverbe ; mais lorsqu’on dit à un homme : « Vous êtes un plaisant célestin, on marque à cet homme qu’il n’a pas le sens tout à fait droit. » (Kastner, ouvrage déjà cité.)