Page:Grillet - Les ancêtres du violon et du violoncelle, 1901,T1.djvu/113

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baladins ou de joueurs de gobelets, qui, habiles dans l’escamotage, conduisoient les animaux dressés. Cette classe, la plus considérable, gagnoit beaucoup d’argent. Enfin, le ménestrel étoit le chef d’une troupe de conteurs et de ménestriers[1]. »

Les ménestrels et les jongleurs étaient dans l’obligation de connaître les instruments de musique, et ne pouvaient ignorer la vièle sans s’exposer à de graves reproches :

Mal saps viular
Mal t’enseignet
Cel que t’montret
Los detz à menar ni l’arçon.

dit Giraud de Cabrière, troubadour du xiiie siècle, à un jongleur nommé Cabra. Il lui dit encore : « Tu ne sais ni chanter, ni danser, ni escamoter, comme fait jongleur gascon. »

Un fabliau du xiiie siècle, souvent cité, Les deux Bordéors ribaus, contient la longue énumération des nombreux talents exigés pour la profession de ménestrel. La liste en est excessivement longue et l’on se demande s’il serait possible de les réunir tous aujourd’hui. Ils devaient connaître les poètes, leurs contemporains et leurs œuvres, savoir conter en roman et en latin, réciter les aventures des chevaliers de Charlemagne ou du roi Arthur, les chansons de toute espèce, jouer de tous les instruments de musique, donner des conseils aux amants, connaître encore tous les jeux imaginables, toutes les poésies chantées, déclamées ou contées, etc. Ils se donnaient des sobriquets ou des noms de guerre ridicules, tels que Tranche-côte, Bornicant, Fier-à-bras, Gros-groing, Rouge-foie, Brise-tête, Tue-bœuf, Brise-barre, Courte-épée, Tourne-en-fuite, Arrache-cœur, etc.

  1. Rochefort. Essai sur la poésie, etc., ouvrage déjà cité.