Page:Grillet - Les ancêtres du violon et du violoncelle, 1901,T1.djvu/159

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on voit deux exemples dans le manuscrit de saint Blaise, du xiie siècle, publié par Gerbert, et que si cette dernière avait un manche surmonté d’une touche en dessous de ses cordes, elle ressemblerait à un crouth et vice versa. » Donc, si ces deux instruments avaient une si grande ressemblance, qu’y a-t-il d’étonnant à ce que l’on ait donné, justement à cause de cette ressemblance, le nom de l’un à l’autre, et cela, bien qu’ils ne fussent pas joués de la même manière ? Puis, rien ne dit que le mot rote, dérivé de chrotta, nom d’un instrument ayant occupé une place importante, n’ait pas été, durant les viiie, ixe et xe siècles, employé dans un sens générique, comme le fut plus tard le mot vièle ?

Il résulte donc de tout ceci que la vièle à roue se nommait symphonie ou chifonie durant le Moyen Âge ; que la plus grande des vièles à archet portait alors le nom de rote, et que ce nom servait aussi parfois pour désigner la cythara teutonia, sorte de psaltérion que l’on jouait seulement avec les mains, c’est-à-dire sans se servir du plectre.

II

La rote à archet, qui avait une personnalité bien accusée, celle dont nous allons nous occuper ici, était la plus grande de toutes les vièles. Sa caisse de résonance, comme celle de la vièle proprement dite, était à fond plat avec des éclisses, et son manche se dégageait aussi du corps sonore. Elle se jouait, tantôt appuyée sur la cuisse gauche, comme son prédécesseur le crouth, tantôt appuyée contre le genou, ou bien encore placée entre les jambes, comme se joue le violoncelle.

On trouve une représentation de la rote, la plus ancienne peut-être, sur le chapiteau de l’église Saint Georges de Boscherville, du xiie siècle, auquel nous avons déjà emprunté