Page:Grillet - Les ancêtres du violon et du violoncelle, 1901,T2.djvu/27

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tant d’en avoir la superstition et d’y voir les uniques matériaux dont l’histoire puisse faire usage. L’on tomberait ainsi dans le travers analogue à celui qui a conduit certain historien à contester que Jeanne d’Arc ait été brûlée à Rouen, et ce, parce qu’il n’a jamais pu trouver dans les Archives le compte des fagots utilisés pour le bûcher[1] ! » Mais Vidal, lui-même, cite, d’après Cimber et Danjou[2], un document qui démontre combien les œuvres des luthiers crémonais étaient estimées, en France, à cette époque ; et par suite, que la commande de Charles IX à Amati pourrait bien n’être pas une légende :

« 27 octobre 1572. Payé à Nicolas Delinet, joueur de fluste et de violon dudict Sieur (le Roy), la somme de cinquante livres tournois pour luy donner le moyen d’achepter ung violon de Crémonne pour le service dudict Sieur[3]. »

Ajoutons que ce n’est pas seulement des violons que Charles IX fit venir d’Italie, mais aussi des violonistes. Un passage de ces mêmes Comptes, ignoré par Vidal, nous apprend que « Baptiste Delphinon, violon ordinaire de la Chambre du roi », fut envoyé au delà des Alpes pour recruter un certain nombre d’artistes parmi lesquels figuraient : « Loys Sai et Gabriel Nadrin, italiens, joueurs de violons de la Chambre dudit Seigneur » et six autres « compagnons » dont nous ignorons les noms (10 octobre 1572).

Puisque Charles IX a payé un violon de Crémone à Delinet, son joueur de flûte et de violon, comme en fait foi la pièce d’archives ci-dessus, il a bien pu en commander un certain nombre à Amati, qui était alors le plus habile et le plus célèbre luthier de cette ville.

Parmi les instruments dits de Charles IX, et attribués à Amati, il en est un dont l’authenticité ne paraît pas dou-

  1. Julien Tiersot. La Semaine sainte à Saint-Gervais (Le Menestrel du 24 avril 1893.)
  2. Cimber et Danjou. Archives curieuses de l’histoire de France, 1re  série, t. VIII, p. 358.
  3. A. Vidal. La Lutherie et les Luthiers, p. 11.