Page:Grillet - Les ancêtres du violon et du violoncelle, 1901,T2.djvu/409

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croire que ce portrait fut exécuté vers 1705 ou 1710 au plus tard, et que, déjà à cette époque, la grossière crémaillère avait été remplacée avantageusement par la vis à écrou, qui rend si facile la tension du crin et dont la hausse actuelle est encore munie.

Déjà Corelli avait fait apporter une légère amélioration dans le haut de la baguette, en lui faisant donner la forme d’une tête de brochet, afin que le crin s’y trouvât à peu près à la même distance que vers la hausse.

Avec Tartini, la tête ne fut pas modifiée, mais la baguette s’allongea un peu et devint droite au lieu d’être courbée comme avant. De plus, ce grand artiste fit faire des cannelures à la partie de la baguette que l’on tient avec la main, pour qu’elle ne tournât pas entre les doigts[1].

Ces cannelures, que l’on pratiqua ensuite dans toute la longueur de la baguette parce qu’elles la rendaient plus légère tout en lui laissant de la résistance, devinrent très à la mode. Les luthiers d’alors avaient grand soin d’indiquer sur leurs prospectus qu’ils faisaient et vendaient des archets cannelés. Du reste, on s’intéressa vivement au jeu de l’archet dès le commencement du xviiie siècle. Il paraît même, si nous nous en l’apportons à Pluche, qu’on en obtenait des effets assez inattendus. Voici ce que cet auteur dit du violoniste Guignon, dans son Spectacle de la nature :

« Le jeu de cet habile artiste est d’une légèreté admirable : il prétend que l’agilité de son archet rend un double service, qui est de tirer les auditeurs de l’assoupissement par son jeu et de former, par le travail de l’exécution, des concertants qu’aucune difficulté n’arrête. »

En Allemagne, vers 1770, l’habile violoniste Cramer, le père du célèbre pianiste, fit aussi apporter plusieurs modifications à l’archet. Le modèle que l’on construisit d’après ses

  1. Depuis bien longtemps on met une garniture, le plus souvent en soie, que l’on nomme poignée, autour de cette partie de la baguette.