Page:Grillet - Les ancêtres du violon et du violoncelle, 1901,T2.djvu/43

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de la musique, que celle de la chambre du Roi venoit donner, et la plupart des airs qu’on y chantoit étoient de sa composition[1]. »

L’histoire ne dit pas toutefois s’il composa l’air de la sarabande qui fut dansée certain soir, dans la chambre d’Anne d’Autriche, par le cardinal de Richelieu, son premier ministre, lequel avait revêtu un costume de baladin, pour la circonstance.

Cette anecdote, curieuse est relatée dans les Mémoires du comte de Loménie-Brienne, qui la raconte ainsi :

« Le Cardinai, dit-il, étoit éperduement amoureux, et ne s’en cachoit point d’une grande princesse[2]. Le respect que je dois à sa mémoire m’empêchera de la nommer. Le Cardinal avoit eu la pensée de mettre un terme à sa stérilité, mais on l’en remercia civilement, dit la chronique d’où je tire ce fait. La princesse et sa confidente[3] avoient en ce temps-là l’esprit tourné à la joie, pour le moins autant qu’à l’intrigue : un jour qu’elles causoient ensemble et qu’elles ne pensoient qu’à rire aux dépens de l’amoureux Cardinal : « Il est passionnément épris, Madame, dit la confidente ; je ne sache rien qu’il ne fit pour plaire à Votre Majesté. Voulez-vous que je vous l’envoie un soir dans votre chambre, vêtu en baladin, que je l’oblige ainsi à danser une sarabande ; le voulez-vous ? il y viendra. — Quelle folie ! » dit la princesse. Elle étoit jeune, elle étoit femme, elle étoit vive et gaie ; l’idée d’un pareil spectacle lui parut divertissante. Elle prit au mot sa confidente, qui fut du même pas trouver le Cardinal.

Ce grand ministre, quoiqu’il eût dans la tête toutes les affaires de l’Europe, ne laissoit pas en même temps de livrer son cœur à l’amour : il accepta ce singulier rendez-

  1. Mémoires de Mlle de Montpensier, t. I, p. 40, édit. Cheruel, Paris, 1858.
  2. Anne d’Autriche, femme de Louis XIII.
  3. Mme de Chevreuse.