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Page:Gros - Les explorateurs contemporains des régions polaires, 1881.djvu/79

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les explorateurs contemporains.

mangerons alors les Esquimaux et jusqu’au petit Charles Polaris.

Jamais pareille ingratitude n’avait été la compagne d’une plus horrible méchanceté. C’était en effet grâce aux Esquimaux et grâce à eux seulement qu’on avait conservé quelque espérance. C’étaient eux qui, habitués à vivre dans ces latitudes, avaient construit pour les naufragés des maisons de glace faites de moellons coupés dans la masse gelée et superposés comme dans nos constructions européennes. Un peu d’eau jetée par dessus, le tout s’était cristallisé et avait formé des joints qui rendaient la demeure tout à fait inaccessible au froid extérieur. La chaleur naturelle des habitants, avec une petite lampe alimentée par l’huile de phoque, suffisait pour entretenir dans ces habitations primitives une température supportable.

Là, ne s’étaient pas bornés les services rendus par Hans et Joë. Ces deux braves Esquimaux étaient des chasseurs émérites. Leur adresse vint chaque jour apporter à la petite colonie des ressources nouvelles et de la viande fraîche. Malgré la nuit polaire qui avait surpris les naufragés, les deux chasseurs profitaient des lueurs répandues certains jours par les aurores boréales, d’autres fois par les étoiles, pour aller à la recherche des phoques, des renards et des ours blancs. On ne tua toutefois que deux de ces derniers, et ce fut vraiment malheureux parce que la chair de ces animaux est exquise et constitue un véritable régal.