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Page:Gros - Les explorateurs contemporains des régions polaires, 1881.djvu/82

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le drame du polaris.

le 20 mars, une lame monstrueuse, soulevée par le vent, vint s’abattre sur les naufragés avec une telle violence, que ce fut un véritable miracle s’ils n’en furent pas tous assommés où au moins noyés. Enfin on parvint à gagner un glaçon plus solide, mais n’offrant en réalité aux malheureux naufragés qu’un abri insuffisant et toujours prêt à se désagréger. Ce fait eut lieu dans la nuit du 3 au 4 avril.

Jamais la situation n’avait été plus menaçante ; la tempête continuait et rendait impossible toute tentative pour chercher un refuge plus rassurant. On passa donc plusieurs jours sur ce radeau glacé qui n’offrait pas comme le premier des huttes de glace et des tentes formées avec les voiles des bateaux.

En débarquant, on avait fait l’inventaire des objets sauvés du désastre. On constata avec épouvante que dans la précipitation du départ on avait oublié les choses les plus indispensables. Tous les matelots avaient à un si haut degré la peur et la prostration qu’entraîne une situation désespérée, qu’ils avaient oublié sur la banquise abandonnée, ou perdu en route, leurs armes et leurs munitions. Seuls les deux chasseurs Esquimaux avaient sauvé à travers mille dangers leurs fusils, leur poudre et leurs balles.

Le capitaine Tyson et le météorologiste Frédéric Meyer ne constatèrent pas cette perte irréparable avec autant de chagrin qu’on pourrait se l’imaginer.

— Nous étions désarmés devant des matelots armés et sans esprit d’obéissance, dit le chef de l’expédition à son savant compagnon ; aujourd’hui ces