Page:Groslier - À l’ombre d’Angkor, 1916.djvu/100

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la robe jaune afin de se marier et de cultiver sa rizière, il emportait pour toute sa vie, un bagage intellectuel et moral, utilisé chaque jour. Nul pays ne possède à un tel degré le culte des histoires et des chansons. Il faut entendre, à la tombée du jour, dans l’ombre et les vagues lueurs d’une torche, un vieillard raconter l’épopée. Les femmes filent. Les garçons s’assoient près des filles, les enfants s’endorment, bercés par le passé. Et une fillette de dix ans connaît toutes les chansons du Cambodge. Demandez donc quelque chose d’analogue à un enfant de chez nous.

Tout en conservant leur état d’hommes liés au sol, soumis au ciel, tirant de la nature jusqu’à la dernière parcelle nécessaire à leur vie, les Khmers ont su s’élever à un niveau difficilement appréciable. Leurs besoins matériels furent insignifiants, leurs besoins artistiques considérables. Ils ont forgé de toutes pièces un art unique. Simples sauvages ils ont été, par leur intelligence et l’œuvre de leurs mains, dignes de la civilisation qui leur fut infusée brusquement.


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