Page:Groslier - À l’ombre d’Angkor, 1916.djvu/148

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parce que la rage de la guerre ou des révoltes les visèrent surtout. Et c’est alors, sur ces cadavres ouverts en plein ciel, que les rampements des lianes ont apporté l’humus nécessaire aux jaillissements des arbres dont les racines ont achevé la ruine. Si l’on recherchait avec soin, et si on les dégageait des monceaux qui les écrasent, on exhumerait beaucoup de chefs-d’œuvre non seulement intacts mais en bien meilleur état que ceux qu’il nous est donné de contempler librement. En effet, la destruction, ayant en somme suivi d’assez près la construction, les blocs écroulés se protégèrent les uns les autres. En se glissant, lorsqu’on le peut, et c’est le cas du sanctuaire de Beng Méaléa, par un trou dans l’écroulement, on trouve, au fond, une Tevada qui sourit et une colonnette polygonale, baguée de boutons de lotus. Protégées des pluies séculaires par la colossale superstructure, les sculptures ont gardé l’éclat, le poli, la vigueur de leur exécution ; tandis qu’en plein air, des linteaux ayant basculé sur leurs angles ont offert aux pluies du ciel et à la chute des branches, leurs coques gracieuses, le geste d’un dieu, le calice épanoui des lotus : et tout s’est effacé.