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VIII

Tous les lieux de ce pays sont historiques. Cette vallée du Mékong fut battue par les émissaires des princes civilisateurs et destructeurs. Des centaines de kilomètres de chaussées ont laissé des traces dans les forêts où l’on ne va plus et dont le sel était jadis couvert d’hommes.

Les dieux ont disparu, — et la Mort ironique n’a laissé que les esclaves. La puissance fut vaine et le néant respecta l’ustensile du sauvage. Le génie indou a passé dans ce pays, comme un vaisseau sur la mer. Avec toute sa splendeur, il a sombré, et sur cette mer ne flottent plus que la barque et la pagaie qu’il y avait rencontrées.

A l’ombre d’Angkor, on n’a pas seulement un extraordinaire exemple de civilisation morte, détruite par des vicissitudes, mais dont les flambeaux entretenus brilleraient toujours. Rome, la Grèce existent encore. Si leurs enfants ne vivent plus comme leurs aïeux, ils en ont conservé les philosophies, les arts immortels, ou vivent de leurs reflets.