Page:Groulx - Chez nos ancêtres, 1920.djvu/77

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que toutes les familles priaient alors le seigneur et la seigneuresse d’accepter chez elle un parrainage. Et le seigneur et la seigneuresse acceptaient, de bon cœur, ce qui n’était pas une petite corvée, dans un temps où les bedeaux, lors de leur quête annuelle, à travers la paroisse, montraient leurs mains tout encornées, à ce qu’ils disaient, pour avoir sonné des compérages ; dans un temps aussi où le seigneur parrain devait fournir la provision de boisson pour le festin du compérage et du vin et de l’eau-de-vie pour la mère de l’enfant, pendant tout le temps de sa maladie. Même à ce compte, Pierre Boucher ne fut pas moins de quarante fois parrain dans sa seigneurie. Et de Gaspé nous cite le cas d’un seigneur qui, le jour de l’an, après l’office du matin, reçut la visite d’une centaine de ses filleuls.[1]

N’en doutons pas, nos pères ont gagné beaucoup à ce voisinage étroit et familier avec des familles d’une excellente aristocratie. Aux côtés du seigneur haut justicier, vivaient quelquefois bon nombre de ses enfants établis dans la paroisse et aussi d’autres seigneurs, possesseurs de domaines, et qu’on appelait les co-seigneurs. C’était là autant de gens du bel air, autant d’exemples de grandes et nobles manières ; et une telle société a beaucoup contribué à faire de nos pères, selon le mot de Gaspé, « les plus polis

  1. Gaspé, Les Anciens Canadiens, note, p. 74.