Page:Groulx - L'appel de la race, 1923.djvu/61

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
61
ÉCHEC ET TRISTESSE

Ici la jeune fille fit une pause. Elle appuya sa tête sur l’épaule de son père et elle dit avec l’accent de la plus forte conviction :

— Non, je ne me trompe pas. Je me sens toute changée. C’est bien, comme vous me l’aviez dit, ô mon papa : à mesure que je me refrancise, je pense plus clair et je sens plus finement.

Lantagnac écoutait son enfant, sans l’interrompre, jetant seulement sur elle un regard attendri quand, au bout de la véranda, la lumière de l’intérieur leur projetait un de ses rayons. Il considérait alors avec fierté la belle enfant brune, tout en ardeur et en lyrisme, fine et vibrante créature dont les joues se coloraient quand le cœur devenait chaud.

— Tu es donc tout à fait heureuse, ma chérie ?

Et, tout aussitôt, pour se soulager d’un remords qui parfois l’assaillait, il risqua :

— Tu ne m’en veux point de t’avoir reprise à ta première éducation ?

— Vous en vouloir ? Oh ! comment le pourrais-je ? répondit vivement Virginia. Heureuse ? c’est autre chose…

La voix de l’enfant s’abaissa ; puis dissimulant mal un chagrin secret :

— Heureuse, je le serais, s’il n’y avait notre mère…

— Que veux-tu dire, Virginia ? fit anxieusement Lantagnac.