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L'APPEL DE LA RACE

devait tenir le député de Russell, avaient produit une vraie commotion dans la famille Fletcher. Un de ces derniers matins, après une nuit de mauvais sommeil, sans doute, le vieux Davis s’était livré à une scène violente en prenant son « porridge ». Ce matin-là il trouvait son bouilli d’avoine mal cuit, franchement détestable. Et, reliant la mauvaise humeur de son estomac à ses mauvais rêves de la nuit, le vieux Davis avait, une fois de plus, levé les mains au ciel et proclamé la ruine prochaine de toute la famille Fletcher :

— On est las, s’écriait-il en gémissant, on est las au gouvernement de voir que nous laissons toujours ce Lantagnac aller son train, que nous ne faisons rien pour l’arrêter.

Et le vénérable comptable-adjoint ajoutait, d’un ton funéraire :

— Le ministre m’en a parlé, vous savez. Cela veut dire que ça sent mauvais pour les Fletcher.

Puis, se redressant aussitôt, le vieillard avait proféré sur le ton de la menace :

— On verra pourtant si je suis le maître dans ma famille.

L’attitude de Maud inspirait les pires craintes à Lantagnac. Les premiers symptômes qu’il avait perçus chez elle d’une reprise du sentiment de race, ne faisaient que s’aggraver avec le temps. L’illusion n’était plus possible. Maud n’obéissait pas uniquement aux poussées du despotisme féminin, non plus qu’aux colères de sa famille ou aux prédications insinuantes de Duffin ; elle était