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L’APPEL de la RACE

s’en allant sur le trottoir, toujours absorbé et onduleux.

— Que vient-il de machiner encore ici et où s’en va-t-il de ce pas ? se demanda Lantagnac, fort ennuyé de ces visites clandestines.

De ce pas, William Duffin se rendit tout droit chez le ministre Rogerson, alors distributeur du haut patronage politique, félin de grande race à qui s’en remettait volontiers le ministère pour l’expédition des affaires louches. Duffin qui connaissait son homme, ne se mît pas en peine de formules protocolaires. Du reste, ce n’était pas la première fois qu’il allait frapper à cette porte, où il entrait toujours, en familier, sans faire antichambre.

— Eh bien, dit l’Irlandais, aussitôt qu’il fut dans le cabinet du ministre, trouveriez-vous votre intérêt, Rogerson, à écarter Lantagnac du débat du 11 mai ?

— Mais assurément, répondit l’autre. À qui donc posez-vous une telle question ? Connaissez-vous un moyen ?

Et il se renversa dans sa chaise, prêt à discuter serré les conditions du marché, ses yeux de fauve embusqué devenus subitement aigus dans sa face glabre de pasteur presbytérien.

— Le moyen serait très simple, répondit Duffin, et à la fois très élégant, ce qui ne gâte rien. Vous avez une vacance au Sénat ? Permettez-moi d’offrir le siège à Lantagnac.

Le front de Rogerson se rembrunit :