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L'APPEL DE LA RACE

Pourtant, quand il se prenait à y réfléchir, de telles observations ne laissaient pas de le fortifier dans ses propres doutes. À tout prendre, se disait-il, qu’avait-on gagné pendant six années de lutte ? La commission scolaire d’Ottawa avait perdu, l’un après l’autre, en grande partie du moins, les procès intentés par elle pour le recouvrement de ses pouvoirs et de ses fonds. Une immense lassitude, c’était visible, envahissait de jour en jour, la masse du peuple fatiguée de combattre sans gains apparents. Puis, la résistance opiniâtre à l’entêtement orgueilleux de l’Anglo-saxon n’allait-elle pas déchaîner une politique de représailles ? On pouvait en prendre son parti : parmi les persécuteurs un groupe considérable ne désarmerait jamais : la faction orangiste, impuissante à vivre d’autre chose que de haine antifrançaise et anticatholique. Pour être eux-mêmes, pour subsister, ne fallait-il pas à ces fanatiques l’agitation et la guerre, comme il faut du vent et du pétrole à la vie du feu ? Des faits plus graves se dressaient dans l’esprit de Lantagnac. D’excellentes gens, des patriotes qu’on devait croire sincères, n’avaient-il pas désapprouvé la stratégie des chefs de l’Ontario français ? L’avocat se remémorait certaines ambassades de haute marque qui étaient venues porter aux persécutés, des conseils de prudence et de modération. Ces prudents avaient-ils tort entièrement ? Trop ardemment mêlés à la lutte, ressentant chaque coup de l’ennemi dans leurs chairs