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L'APPEL DE LA RACE

cacher ? j’irais sans enthousiasme. Nous sommes si peu et si faibles en l’Ontario. Nos frères irlandais nous reviendront, je veux l’espérer, quand la lumière les aura désabusés. Mais pouvons-nous attendre du groupe orangiste qu’il désarme jamais, aussi longtemps que nous permettrons à ses chefs de tenir leur rôle d’agitateurs, celui dont ils vivent ? Alors, très sincèrement, je me pose cette question : n’est-il pas plus sage d’obtenir par l’habileté, par la diplomatie, ce qui ne peut être reconquis par la force ? On tue le feu en l’étouffant, non pas en l’attisant, si je ne me trompe ?

— Est-ce là toute votre difficulté, demanda le Père Fabien, que son calme ne quittait point.

— Non pas, se hâta de répondre Lantagnac qui redevint plus pensif et plus douloureux. Il y a autre chose. La stratégie qu’adopteront demain les chefs de la minorité ontarienne influe singulièrement sur mon cas et sur ma vie. Entendez-moi, Père Fabien : comme votre avocat dans les coulisses diplomatiques, Jules de Lantagnac peut servir la cause ontarienne jusqu’au bout de son dévouement, sans inconvénient ni pour lui-même, ni pour les siens. Mais en pleine lutte et à l’avant-garde, Jules de Lantagnac ne peut servir, disons nettement les choses, qu’au risque certain d’une demande de divorce ou de séparation de la part de sa femme.

Ici Lantagnac fit une pause, envisagea un instant le Père Fabien dont le front devint soucieux, puis il continua :