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LE COIN TOMBE

moi, sous les grands arbres centenaires, comme l’étoffe d’un drapeau. Alors je pris, dans ma serviette, ton discours du 11 mai que tu m’avais envoyé en fascicules des Débats de la Chambre. Ah ! comment te décrire l’effet de ta parole sur mon âme de jeune homme, en ce lieu, devant ces souvenirs ! Je savais le drame poignant qui se jouait ici. Entre deux j’avais à choisir. Eh bien, ta parole fut la plus forte, parce qu’en moi, devant ce Long-Sault, sa résonance était la même que celle de l’histoire. Instinctivement je me levai ; frémissant, je tendis le bras vers le monument du héros. Oui, là, entends-tu, je l’ai juré à haute voix : je serai du parti de mon père, français comme lui et comme mes aïeux, intégralement, enthousiastement français !

Le jeune homme s’était levé, le visage éclairé d’une flamme, les yeux vibrants, tout transfiguré par son lyrisme. Le père contemplait son fils. Un noble orgueil l’enivrait. Un instant il hésita. Une question lui venait aux lèvres. Oserait-il la poser ? Etait-ce bien le temps ? Pourtant oui. A cette heure il avait trop besoin de se sentir rassuré, pleinement, absolument rassuré.

— Mon Wolfred, lui dit-il, pardonne-moi. Français, dis-tu ? Mais as-tu bien songé à tout ? As-tu songé à ta fiancée, mon pauvre enfant ?…

Le jeune homme porta la main à son cœur :

— Ma fiancée ? dit-il. Je n’ai plus que la vôtre… depuis hier.

Lantagnac ouvrit de nouveau ses bras. Le fils s’y jeta en comprimant un sanglot. Longue-