Page:Groulx - L'appel de la race, 1923.djvu/52

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
52
L’APPEL DE LA RACE

l’eût ravi par des accents d’une douceur inexprimable. Il se taisait et jouissait de son rêve. Virginia, la première, rompit le silence :

— Quel beau pays tout de même que ces Laurentides du Québec ! s’écria-t-elle, les yeux levés vers les pentes silencieuses. N’est-ce pas qu’ici l’on parle naturellement français ?

— Oui, dit Wolfred, il me semble qu’ici cela va tout seul.

Et la conversation française reprit de plus belle. Commencée en une telle soirée, elle se continua, les autres soirs, quelquefois sur le lac, le plus souvent dans le salon, ou sur la galerie de la villa. On s’y mettait chaque fois avec un entrain extraordinaire. Tout le monde voulait en être. L’air du pays semblait opérer. Madame de Lantagnac venait s’asseoir elle-même, près du groupe, avec son panier à broderie ; et, tout en jouant du crochet, se mêlait à la conversation, risquait de temps à autre des bouts de phrases timides. Si bien que, de jour en jour, il semblait à Lantagnac que l’âme des siens se mettait en accord plus harmonieux avec l’âme de la terre.

Hélas ! pourquoi fallut-il que bientôt les pauvres élèves en fussent à déchanter et leur maître bien davantage ? Toute la classe croyait parler un français impeccable ; et le professeur se trouvait en face de ce beastly horrible french, dont se moquent si amèrement les gazettes de Toronto en le prêtant à l’« habitant » du Québec. Wolfred et William parlaient peut-être quelque