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ÉCHEC ET TRISTESSE

À ce moment Virginia qui commençait à prendre froid, demanda la permission de rentrer. Lantagnac continua de marcher seul. Ce qu’il venait d’entendre l’avait bouleversé. Ces confidences de Virginia ne lui découvraient pas tout à fait l’état d’âme de Maud ; il le soupçonnait en partie, sans pourtant y attacher ce caractère de gravité.

— Ainsi donc, se disait-il, elle a bel et bien soutenu William dans sa révolte ; elle l’y a poussé ; elle est allée jusque-là !

Sur le pavé de la véranda, les premières feuilles d’automne arrachées par le vent glissaient l’une après l’autre. Elles passaient, avec le léger crissement d’un papier froissé, l’envol d’une chose fanée et funèbre. Et Lantagnac se demandait, navré, pourquoi, ce soir-là, le même vent d’automne lui mettait au cœur un bruissement de feuilles mortes. Un vrai et profond découragement l’envahissait. C’en était fini de tout son rêve qui allait avorter !

— Peut-être, s’accusait-il, ai-je manqué de diplomatie ? Il eut fallu, sans doute, patienter, aller plus lentement, ne pas tant compter sur l’enthousiasme du début.

Dans son ardeur première, en homme d’action ambitieux d’aller vite, non, il n’avait guère ménagé les étapes. Ainsi, c’est par caisses entières, il se souvenait, que les livres français étaient venus des librairies de Montréal. Chaque enfant possédait maintenant sa petite biblio-