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ÉCHEC ET TRISTESSE

Lantagnac s’était levé.

— Mais, qu’y a-t-il donc, ma pauvre enfant ? Maud ferma précipitamment son livre.

— Il y a, mon ami, répondit-elle, en entrecoupant ses mots d’effusions de larmes, il y a que vous regrettez votre mariage et que notre bonheur est fini.

Lantagnac n’eut pas le temps de répondre. Maud gravissait en toute hâte le grand escalier du salon, laissant seul son mari, acculé, cette fois, sans retour possible, à la réalité poignante.

Pour de bon, il comprit, à cette heure, que sa vie accédait à la tragédie. Pendant qu’il restait là, dans cet isolement du grand salon qui le glaçait, une vision très nette traversa son esprit. Il aperçut, dans sa propre existence, ce que lui avait durement révélé son expérience du tribunal, en particulier celle des cours d’assises : l’implacable retentissement d’une faute à travers une vie humaine, l’enchaînement fatal des expiations. Il est des existences, il le savait, qu’une seule erreur a faussées, entièrement désaxées. Cette erreur, Lantagnac n’en doutait plus : il l’avait commise lui-même, vingt-trois ans passés ; et c’en étaient les dures répercussions qui commençaient de l’atteindre.

Cette scène de Maud, les réflexions douloureuses qui la suivirent, ralentirent de beaucoup l’ardeur du converti. Ce ne fut d’abord qu’une lassitude contre laquelle il se défendit. Mais peu à peu une tentation, un découragement se précisa