soleil d’Italie, serait entreprise osée. Tout est dit et l’on vient trop tard. Nous nous trouvions cependant devant une autre image, et combien splendide, de la civilisation occidentale. Face à Saint-Marc, devant le Palais des Doges et devant tous les édifices de la place fameuse, comment ne pas reconnaître les traces d’une admirable espèce d’hommes ? Le soir venu, nous étions allés nous attabler aux abords d’un grand restaurant, en plein air. Un orchestre jouait les grands thèmes de la musique. Tout le long de la place vénitienne, allait et venait, par groupes, une aristocratie de blanc habillée. Au-dessus de nos têtes, le ciel brillait de tous ses diamants, voûte naturelle, nous semblait-il, d’un somptueux tableau d’histoire, jadis accroché en ce fond de l’Adriatique. Depuis quelques jours, je traîne avec moi le Voyage d’Italie de Taine ; je l’ouvre, et je lis à mes camarades le passage consacré à Venise. L’écrivain, comme l’on sait, avait vécu la même scène que nous, s’était peut-être attablé à la même place. Nos impressions rejoignent tout de suite les siennes. Et voilà donc, nous disions-nous, ce qu’avait pu créer, accumuler, en quelques pieds carrés d’images resplendissantes, une bourgeoisie d’affaires, très prise par ses négoces, très cupide, très batailleuse, mais qui avait de la beauté dans l’esprit, images qui, aujourd’hui, font encore revivre au passant l’une des grandes heures de l’histoire européenne. En 1908, que n’ai-je quitté l’Italie avec ces seuls spectacles dans les yeux !
Tout en visitant, le long de la route, une partie de l’Italie, nous prenions le chemin de la Suisse. Au lac de Lugano, une pension de famille accueillait depuis longtemps, à modique prix, les étudiants canadiens venus de Rome. Lugano leur servait sinon de séjour pour toute la durée des vacances, à tout le moins d’étape vers les pays voisins. C’est ainsi que je m’y trouvai à la mi-juillet de 1907.
Donc court arrêt à Lugano où l’ensevelissement ne nous paraît guère souhaitable. On annonce des cours de vacances à Fribourg pour une quinzaine qui irait du 29 juillet au 8 août 1907. Nous prenons le train pour la petite ville universitaire. J’y suivrai les cours, quelques-uns du moins. J’en rapporte un plein