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mes mémoires

comme une superfétation de la vie religieuse. Personne des congréganistes, ni les petits ni les grands, n’eût voulu manquer le petit sermon que l’abbé Hébert leur servait à chaque réunion du dimanche. Ils sortaient de là, émus, transportés. Que de fois ai-je vu de mes petits pénitents, encore au stade d’aspirants ou d’approbationnistes, venir solliciter mes prières pour leur obtenir, à l’heure de l’enquête, leur admission dans la Congrégation ! L’abbé Hébert en avait fait une institution d’élite. À mon retour au Collège, il serait professeur de Belles-Lettres. Une solide amitié nous liait déjà. Nous pourrions coordonner, harmoniser nos méthodes, notre enseignement. Une collaboration féconde s’établirait pour le plus grand bien de nos élèves. Avec tout cela le cher abbé était le plus gai des compagnons. Il avait de l’esprit, du meilleur, quelque chose d’original, beaucoup d’humour. Il serait l’un des prêtres qui auront eu, sur ma vie, la plus heureuse influence, l’un de ceux dont le souvenir ne me revient jamais sans émotion.

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Parmi les prêtres, je retrouve d’autres amis, en particulier, l’abbé Moïse Clairoux, esprit timide, mais d’une rare finesse, l’homme des mots impayables, helléniste remarquable. Des amis, j’en retrouve aussi parmi les jeunes prêtres, mes anciens élèves ou mes dirigés d’avant 1906. Le groupe, la pléiade sera donc là qui permettra de reprendre, dans la communauté, l’œuvre de redressement tentée avec succès vers 1901. L’entreprise paraît opportune. Laissée à soi-même ou presque, la Croisade d’adolescents survit à peine en l’âme de quelques rares collégiens, membres isolés plutôt qu’associés. La communauté a perdu son niveau moral. Cependant je ne me presse point. Je veux avoir le temps d’observer, d’explorer le terrain. Ceux qui n’ont jamais vécu dans un collège ignorent les brusques changements d’atmosphère qui, en ces petits milieux, se succèdent d’une génération à l’autre. L’influence de quelques hommes ou de quelques chefs de file parmi les collégiens eux-mêmes suffit à brusquer ces petites révolutions. Je reprends pourtant mon confessionnal ; je reprends aussi mes directions spirituelles à trois ou quatre petits visiteurs par jour. On me confie de nouveau la direction de l’Académie