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premier volume 1878-1915

et de la Société de discussion. Mes supérieurs y ajoutent la tâche d’imprésario ou de directeur du théâtre collégial, ce qui va multiplier mes relations avec les élèves et me mettre entre les mains de précieux moyens d’action. Fatalement, si Dieu nous vient en aide, l’ancien noyau des petits apôtres ne peut manquer de se reformer. Ce ne sera pas toutefois avant le 18 septembre 1911 — les archives de l’AC restées en ma possession en font foi — que l’Action catholique reprend au collège son existence régulière. Dans l’intervalle, c’était, je pense bien, de ma part, chose voulue, j’ai laissé le noyau se recristalliser de soi-même. Dieu aidant, j’ai semé l’esprit. Il a germé en quelques âmes de choix. L’esprit d’apostolat est chose si normale, en l’âme d’un jeune homme véritablement pur et chrétien. Quelques-uns de mes pénitents se sont mis à rêver d’action apostolique sur leurs camarades. Ils s’ignorent les uns les autres. Je leur ménage des rencontres. J’ai pourtant soin de laisser à leur initiative le désir d’une action organique. À la fin je n’ai qu’à me rendre à leurs instances. Ce qui sera fait au début de l’année collégiale de 1911.

Ma petite expérience de collégien me l’avait appris : le problème de la formation ou de l’éducation humaine s’avère trop complexe pour que le jeune homme, et surtout l’adolescent et l’enfant s’y débrouillent avec leurs seules lumières, si droites et si courageuses que soient leurs intentions. Un homme leur est nécessaire, homme expérimenté qui sait comment se forment un chrétien, et voire un homme tout court. Éducateur expert, il aura appris, et il n’oubliera jamais que tout se tient dans une psychologie humaine ; et par conséquent il voudra se charger de la direction de toute la vie de son dirigé ; il ne séparera point la vie religieuse du collégien de sa vie intellectuelle, morale et même physique. Il n’oubliera jamais qu’une interaction existe entre toutes ces vies et que la tâche de l’éducateur chrétien consiste à former l’homme intégral, seul et valable support du croyant intégral. Pour toutes ces valables raisons, je m’impose de recevoir mes dirigés, surtout des hautes classes, au moins un quart d’heure par semaine pour chacun, histoire de leur fournir l’occasion de faire le point : quart d’heure d’un compte rendu loyal de leur état, progrès ou reculs ; occasion aussi d’une reprise de la montée, non par efforts dans le vide, efforts factices ou démesurés, mais par