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premier volume 1878-1915

presbytère de son ami, l’abbé Myrand, curé de Ste-Anne. Pour comble, et à ma grande surprise, mon évêque agrée mon projet et me donne congé pour environ deux mois.

Premier séjour aux Archives canadiennes

Et me voilà parti pour les Archives canadiennes. Je ne suis pas long à déchanter. Les nécropoles des vieux papiers et des vieilles poussières historiques ne sont pas lieux à nourrir les illusions. Laissé à mes seuls moyens, sans personne ou à peu près pour me guider, je me sens tôt déconcerté devant les interminables dépouillements de fonds et de dossiers qu’exigent l’étude de la moindre époque, l’élucidation du moindre point d’histoire. J’emploie tout de même scrupuleusement mon temps. Sans le savoir, je fais mon premier noviciat en la recherche, mais pour me bien persuader, après quelques semaines, que je suis à la poursuite d’un rêve chimérique. Un manuel d’histoire, je l’apprendrai d’ailleurs avec le temps, œuvre non de spécialistes mais de vulgarisateurs, veut cependant que ces vulgarisateurs trouvent à leur portée une riche matière historique amassée et mise en ordre par des spécialistes. Or, dans l’état où se trouvait, en 1913, l’historiographie canadienne, abandonnée depuis un demi-siècle à des historiens amateurs ou improvisés, sur quelles œuvres bien à point aurait pu s’appuyer le modeste vulgarisateur que j’étais ? D’ailleurs aucune synthèse n’avait vu le jour depuis Garneau, si ce n’est celle de Bibaud qui n’en est pas une. Au reste, Garneau n’avait point dépassé 1840. J’esquisse tout de même une dizaine de chapitres du futur manuel. Puis, vers la fin de janvier 1914, emportant avec moi mon rêve avorté, reconnu irréalisable, je reprends le chemin de Valleyfield.

Mon séjour à Ottawa ne sera point sans me rapporter quelques autres profits. J’y possédais déjà des amitiés. Je les dois à la Croisade d’adolescents. J’en conquerrai de plus précieuses, et,