Page:Groulx - Mes mémoires tome I, 1970.djvu/231

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temps de 1915, je subis une crise de santé assez grave. Je suis las, d’une lassitude insurmontable ; je ne donne plus mon enseignement qu’avec infiniment de peine. La Providence, me semble-t-il, ne saurait me parler avec plus de clarté. Je décide de quitter moi-même le Collège. Mais où irai-je ? Je n’ai pas le choix ; une cure, demander une cure à mon évêque. Certes, j’avais rêvé de passer ma vie dans un collège. Cette sorte de ministère m’a littéralement enivré et aurait suffi à mes ambitions. Toutefois, j’ai goûté au ministère paroissial ici et là, dans les paroisses du diocèse, à l’appel des curés aux abords des grandes fêtes, puis aux vacances d’été, aux États-Unis, à Central Falls. Cet état de vie ne laisse pas de me vivement attirer. Je sens jusqu’à quel point je me laisserais prendre par une paroisse.

Comment l’on m’attire vers Montréal

De passage à Montréal, je m’ouvre indiscrètement de mes projets à l’abbé Léonidas Desjardins, ancien camarade de Sainte-Thérèse et de Rome, alors secrétaire général de l’Université à Montréal, à l’abbé Émile Chartier, attaché à la même Université depuis un an. Tous deux se récrient, me déconseillent d’aller m’enfouir dans une cure : « Que ne t’en viens-tu à Montréal, me dit l’un ? Il y aura de la besogne et de la bonne à faire, en ces prochaines années. » Mon ami Chartier intervient auprès du vice-recteur de l’Université, Mgr Dauth, qui se charge d’intervenir auprès de l’Archevêque. Un autre me dit : « Parles-en donc à Mgr Roy. » Je passe tout de suite chez le grand vicaire. Il m’accueille avec la cordialité qu’il m’a toujours témoignée. Il se dit prêt à me revoir. Il n’y met qu’une condition : « Avant toute démarche, obtenez l’autorisation de votre évêque. Lors de notre projet de vous amener au Collège de Saint-Jean, il m’a soupçonné d’être au fond de l’affaire. Il m’a donné durement sur les doigts. »