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deuxième volume 1915-1920

Il va de soi que ces leçons ne devront être que le début d’une série d’études régulières et prolongées sur notre histoire : cela dépendra, croyons-nous, du public et de l’intérêt qu’il y prendra.

Ces dernières lignes n’engagent pas seulement le public, mais tout autant le professeur. Je n’ai nul besoin d’un grand effort d’esprit pour comprendre que je tiendrai entre mes mains l’avenir de ce nouvel enseignement si hautement désiré par une considérable élite : enseignement indispensable à tout peuple. L’école nationaliste, alors en pleine vigueur au Canada français, cherche où appuyer sa doctrine et la ferveur de son élan. Ce suprême appui, un passé trop ignoré mais enfin sorti de la brume, ne pourrait-il le lui fournir comme à tous les groupes nationaux alors en éveil de par le monde ? Nos problèmes constitutionnels, sans que j’y sois pour rien, prennent en outre une singulière actualité par le seul fait de la guerre. Les polémiques font rage autour de la participation du Canada à la mêlée européenne. On discute âprement l’obligation de notre pays à se porter au secours de l’Angleterre. Saurai-je bâtir les cours que l’élite attend ? La Faculté des arts n’existe que sur papier ou à l’état embryonnaire. Je ne puis compter sur des étudiants attitrés et assidus. J’aurai devant moi un auditoire de grand public, auditoire capricieux, dont l’on sait l’inconstance. Encore me faut-il réussir à l’attirer. C’est donc une troublante et rude bataille à livrer. Y a-t-il quelque espoir de la gagner ?

Deux hommes me sont, à ce moment de ma vie, d’un précieux service : le libraire G. Ducharme et Aegidius Fauteux. Le premier, remarquable bibliophile, vient d’ouvrir une librairie de Canadiana. Il m’aide à me constituer une bibliothèque, me vend généralement à bon marché les ouvrages dont j’ai besoin. Je lui paierai même quelques ouvrages rares, à la petite semaine,