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mes mémoires

comme une machine à laver. Le second, conservateur de la Bibliothèque Saint-Sulpice qu’il s’efforce d’équiper pour la recherche historique, met à ma disposition ses collections les plus précieuses et sa science bibliographique qui est considérable. Ma chambre au presbytère de Saint-Jean-Baptiste, très sombre, me rend le travail pénible. Aegidius Fauteux m’offre, à gauche de la salle de lecture, vers le centre, un de ces petits cabinets ouverts où il y a chaise et table et protection contre le public par un portillon de fer. Pendant bien des années, combien de jours et de soirées j’aurai passés là, peinant péniblement derrière un entassement de livres, de brochures et de vieux journaux, indifférent au va-et-vient des habitués de la bibliothèque. Le soir, à dix heures, je reprenais à pied, par la rue Saint-Denis, à demi déserte, le chemin du presbytère de Saint-Jean-Baptiste ou du Mile End, me trouvant parfois un peu fou de tant travailler pour un monde qui me paraissait si distrait derrière ses rideaux de fenêtres mal baissés. À Saint-Sulpice et chez moi, sans secrétaire ni dactylo, parce que sans les moyens de m’attacher ni l’un ni l’autre, je transcris à la main notes et extraits de documents et jusqu’aux textes mêmes de mes cours. Je ne songe pas aujourd’hui, sans un peu de mélancolie, à tout ce temps perdu et à ces retards irréparables dans ma documentation. Je n’aurai guère de secrétaire avant 1937.

J’ai donc choisi pour sujet : « Nos luttes constitutionnelles ». Je cours au plus pressé. J’avais élaboré quelque peu ces études dans mon manuel ; je les avais reprises et développées l’une ou l’autre dans la Revue canadienne, je crois, et dans la Revue de l’Enseignement secondaire au Canada. Je souhaite débuter, à mon premier cours, par une courte synthèse de l’évolution constitutionnelle de l’Angleterre : préambule nécessaire à toute mon étude de l’année. Courte synthèse mais qui me forcera à travailler dur pendant tout ce mois et demi qui me sépare de mon premier cours. Je travaille fébrilement, au point d’ébranler, certains jours, une santé peu refaite. Au surplus, ma situation à Saint-Jean-Baptiste, mal définie, ne me laisse que maigre liberté en mon travail. Je ne suis pas vicaire et je le suis, obligé à toutes les occupations du ministère paroissial : prédications, confessions, sauf la visite aux malades et la journée de garde. La veille de mes