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deuxième volume 1915-1920

Vers quel sujet orienter mes cours ?

Un autre problème se pose pour moi. Professeur improvisé, mais obligé à une série de cinq cours publics pour chaque saison universitaire, c’est-à-dire à la préparation et à la composition d’un volume d’histoire par année, quels sujets aborder ? Pour chaque année, je souhaite présenter une tranche d’histoire qui se tienne, qui ait quelque unité organique. Mais deux exigences se dressent ici devant moi : la part de temps qu’il m’est possible de consacrer à mes recherches aux archives et les pauvres moyens dont je dispose pour mener ces recherches. Pour aborder et enserrer la moindre période, j’ai aussi à tenir compte de mon mince bagage de connaissances générales en histoire canadienne. Car j’ai toujours soutenu et je soutiens encore, qu’à moins de dix à vingt ans de recherches patientes et d’une prise de vue au moins panoramique de la matière, il n’appartient qu’à la témérité de se prononcer avec assurance sur le moindre problème en histoire. Et j’ai toujours admiré ces jeunes professeurs, si intelligents qu’ils soient, qui, après quelques années à peine de recherches et sans avoir eu le temps de prendre mathématiquement une vue d’ensemble, dissertent, sur le ton dogmatique, de tous les petits et grands aspects de leur matière, y compris les plus ardus. Mais j’y reviens : quelle période d’histoire, même canadienne, est de contexture assez simple, assez peu chargée d’événements pour être saisie, explorée en quelques mois, et par un professeur qui en est encore à l’âge primitif de la transcription des documents au crayon ou à la plume ? Et à une époque, par surcroît, où les archives, même les archives publiques, celles d’Ottawa comme celles de Québec, — les unes à 125 milles de Montréal, les autres à 180 milles, — sont encore si imparfaitement inventoriées. À Ottawa, l’archiviste, Arthur Doughty, ne me ménagera jamais sa bienveillance, mais je ne trouverai là personne pour me fournir quelque assistance appréciable. À Québec, où je n’irai que rarement et pour cause, le service des archives est encore inexis-