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mes mémoires

nous et pour le papa, des colonnes entières de L’Étendard ou de La Minerve hebdomadaire, premiers journaux accueillis dans la maison. C’est par ces lectures, qu’en 1886, je fus mis au courant de l’affaire Riel, « Affaire » qui fit de nous, petits gars d’école, d’ardents cocardiers. Jours de tension patriotique où serait révélé à nos esprits d’enfants, le duel des races au Canada. Un frisson étrange de pitié et de colère passait sur le pays de Québec. Il fallait nous entendre, dans la cour de l’école, dans les rues du village, chantant à tue-tête, et sur l’air de la Marseillaise de France, la Marseillaise rielliste, dont le premier quatrain est resté accroché en ma mémoire :

Enfants de la Nouvelle-France
Douter de nous n’est plus permis.
Au gibet Riel se balance
Victime de nos ennemis !

Parmi les bonheurs de mon enfance, j’estime à son prix d’avoir été élevé par un père ― M. Guillaume Émond ―, homme d’une droiture sans pareille, et qui, phénomène rare à l’époque, répugnait à toute partisannerie politique. De tendance conservatrice, il est vrai, et presque illettré, il écoutait de son mieux les harangues électorales et votait, non pour le parti, mais pour l’homme dont la politique lui paraissait la plus acceptable. À l’époque du « riellisme », il vota franchement pour le candidat de Mercier : ce qui mit de l’émotion patriotique au foyer des Chenaux. Plus tard, quand je pus réfléchir, je compris quel service insigne nous avait rendu notre père en nous prémunissant tout jeunes contre l’imbécillité de l’esprit de parti.

■ ■ ■

Ma première communion

Parmi mes souvenirs d’école, me revient, on le devine, celui