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premier volume 1878-1915

de ma première communion. Dans mes Rapaillages, sous le titre : « Quand nous marchions au catéchisme… », j’ai raconté mes impressions et émotions de cette période de ma vie. Heures délicieuses qui laissent, en toute âme d’enfant, l’ineffaçable empreinte ! Ai-je vraiment compris toutefois la grandeur de l’acte que je posai le matin du grand jour ? À distance, je me prends à en douter. Le curé était un homme sec et froid. Et tant à l’école qu’à l’église, nous recevions un enseignement catéchistique si formaliste où le mot à mot, l’effort de mémoire comptaient tellement plus que l’intelligence du texte. Et, dans ce texte des catéchismes d’alors, en vain eût-on cherché la moindre illustration ou image pour saisir, éveiller nos jeunes imaginations ou sensibilités. Sans doute, la grâce de Dieu pouvait suppléer à tout. Mais cette grâce, la savions-nous mériter ? Une mésaventure m’arriva, du reste, qui humilia profondément ma précoce vanité et me gâta mon bonheur. Ma mère, toujours économe, ne savait trop en quelle vieille étoffe me tailler mon habit de communiant. Un colporteur vint à passer. Il exhiba un coupon d’une certaine toile finement carreautée en noir et blanc, où le blanc toutefois dominait. Ma mère acheta le coupon pour presque rien. Et c’est ainsi qu’à l’église, parmi mes petits camarades de la Sainte Table, tous habillés de noir, je fis tache originale, trop originale. Longtemps, dans le secret de l’âme, il m’en resta un pli d’amertume. D’autant qu’en ce matin solennel, les Frères avaient décidé d’inaugurer une petite cérémonie : la lecture d’un acte de consécration des petits communiants à la Sainte Vierge. On m’avait choisi pour cette lecture. L’honneur n’était pas mince pour mes parents. Mais j’avoue avoir gravi les degrés de la balustrade avec un peu de dépit, me sentant par trop le point de mire de l’assistance, dans mon accoutrement presque aussi blanc que celui des petites filles.

Ma première image

Parmi mes souvenirs d’enfant d’école, pourquoi ne pas rappeler un autre souvenir : l’exploit qui me valut ma première image ? Sa première image ! On sait la place que tient ce grand événement dans la vie d’un jeune enfant. Le pittoresque, en mon affaire, est que cette première image, je ne l’ai pas gagnée à l’école des