rares chez nous. Et c’est pourquoi, sans doute, nous avons gaspillé tant de nos énergies et fait parfois de si grands pas désastreux en dehors de notre voie.
Je conclus par un vœu que je nourris, dès ce temps-là, que j’ai nourri longtemps, vœu qui, par d’autres, a fini par se réaliser, petitement il est vrai :
Demandons-nous… si avant peu une Semaine des écrivains catholiques et canadiens-français ne devra pas grouper en faisceau des forces trop éparpillées.
Voyage de l’aller
Le six août, je m’embarque à Montréal, sur le Corsican, en route pour Southampton et Anvers. Je m’en vais en voyage d’étude, de recherches d’archives. Après ces six années de vie fiévreuse, trépidante, je sens le besoin de m’éloigner de ma besogne, de rassembler mes esprits, de me recueillir. Je voudrais tant n’être pas la cymbale qui se contente de battre le vide. Ma mère m’a conservé mes lettres de cette année-là. J’y retrouve au plus parfait l’être complexe que j’ai toujours été : grand voyageur, aimant voir du pays, passionné d’images, de spectacles neufs, et néanmoins ne s’arrachant qu’avec peine aux siens, à son milieu, sensible, trop sensible aux longues absences. Le jour même du départ, j’écris, à bord du paquebot :
Ce matin, je vous ai suivis longtemps des yeux, pendant que vous agitiez vos mouchoirs. Je ne vous ai perdus de vue qu’au moment où le Corsican s’est trouvé masqué par l’arrière et les cordages d’un autre bateau. J’avais bien le cœur un peu gros à mesure que la distance s’agrandissait entre vous et moi. Mais enfin, j’ai remonté mon courage. Je me suis rappelé qu’il faut aller à son devoir, quoi qu’il en coûte, et qu’après tout, si j’ai eu le courage autrefois de partir pour trois ans, je dois être capable d’endurer une absence de huit mois.
Pensez bien à ces mêmes raisons pour vous consoler vous-mêmes. L’année prochaine nous agiterons encore nos mouchoirs dans le port de Montréal. Mais cette fois, ce sera dans la joie du retour.