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deuxième volume 1915-1920

À l’Hôtel Jean-Bart

Le 22 août je suis à Paris, installé à l’Hôtel Jean-Bart, rue Jean-Bart, venant d’Anvers et Bruxelles. J’ai dû écrire à d’autres mes impressions de ce premier voyage en Hollande et en Belgique. Mes lettres à ma famille n’en contiennent rien. Je n’y trouve que ces brèves notations, le long du parcours en chemin de fer, sur les régions de France dévastées par la guerre, la première « Grande » :

Dans les champs bien peu de signes des grandes batailles… À peine ci et là ai-je vu une tombe de pauvre soldat marquée par une croix, quelques amas de fil de fer tout rouillé et des trous d’obus encore mal comblés. Les ruines sont surtout apparentes aux maisons des villages et des villes. Là vous apercevez de grands squelettes d’églises et de cathédrales dont les murs se tiennent à peine debout, quantité de toits troués ou enfoncés, des murs calcinés et des arbres brûlés et morts. Le paysage devait être sinistre il y a trois ans.

À Jean-Bart, je rencontre toute une colonie de jeunes Canadiens, étudiants de Rome, de Paris ou d’ailleurs, qui passent leurs vacances dans la grande ville. J’y rencontre surtout, un jeune prêtre avec qui je vais me lier d’amitié : l’abbé Armand Chaussé, étudiant en sciences et qui loge au même hôtel. Avant de m’installer tout de bon et de commencer mon travail, j’ai à m’acquitter d’une mission dont m’a chargé la jeunesse catholique canadienne : la représenter à un Congrès des Jeunesses catholiques internationales à Rome. Je me mets en route le 6 septembre ; j’ai, pour compagnon de voyage, un jésuite, le Père Corbière, aumônier général de la Jeunesse catholique de France. À parler vrai, l’on fait assez peu de cas du représentant de la Jeunesse canadienne. Les porte-voix des grands pays catholiques accaparent toute la représentation officielle. D’ailleurs je ne m’accorde qu’un voyage rapide. Je trouve Rome en ébullition, aux prises avec une grève de tramway, la rue bruyante, agitée par des rixes violentes entre les forces révolutionnaires et les jeunesses fascistes en pleine ascension. Je