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deuxième volume 1915-1920

comment, dans une lettre à Vaudreuil, je décris sobrement la réception de Bédier :

La salle n’est pas grande ; elle contient tout au plus mille personnes ; ce fut une fête de l’esprit étincelante de finesse. L’auditoire était comme toujours recruté dans la plus haute société de Paris. J’avais à ma gauche un général et je ne sais quelle grosse légume à ma droite.

Les réceptions à l’Académie comptent, je le crois, parmi les manifestations les plus typiques, les plus fines de la culture française. Forme des discours, tenue de l’auditoire, extrême simplicité de la cérémonie, sobriété des toilettes de ces dames, tout s’accorde pour donner à l’étranger un spectacle d’un goût raffiné et un aperçu des plaisirs d’une société de grands civilisés.

Carême du Père M.-Albert Janvier, o.p.

Un spectacle d’un autre genre, mais plein des mêmes leçons, m’est fourni à Notre-Dame de Paris, pendant le Carême de 1922. Le Père Janvier, o.p., prêche encore une fois la station. Je me suis bien promis de ne pas la manquer. Lors de ma première visite à la Cathédrale parisienne, en mes vacances de 1907, mon premier regard, je me souviens, s’était porté d’instinct vers la chaire. J’avais tant hâte de voir la tribune d’où s’était fait entendre la voix de Lacordaire. Mon vif étonnement fut de trouver cette chaire si basse et toute simple, comme si l’orateur n’en devait pas être le premier et unique ornement. Et au souvenir des chaires absurdes des églises du Canada, chaires trop haut perchées, en difficile contact avec la foule, je songeais comme il doit être facile à Notre-Dame d’entrer en communication avec l’auditoire si proche du prédicateur qu’au bout du bras l’on pourrait lui tendre un verre d’eau. Ces auditoires de Lacordaire si vibrants, si facilement remués par les souveraines émotions, je m’en fis une juste image, ce premier dimanche de la station quadragésimale de 1922. Déjà, à eux seuls, c’est tout un spectacle et toute une prédication que ces quatre mille sièges qui se tassent dans la nef centrale,