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IV

SOUVENIRS DE COLLÈGE

En septembre 1891, je partis donc pour ce que l’on appelait par chez nous le « grand collège ». J’aurais même pu partir l’année précédente. Une longue et cruelle maladie de ma mère, atteinte de typhoïde, l’empêcha de préparer son collégien. Je dus retourner à l’école où, sauf le gain de mes lectures, je perdis mon temps. Donc, un de ces premiers jours de septembre 1891, je quittais pour de bon, cette fois, la maison paternelle. Mon cœur d’enfant battait fort, partagé entre la joie d’accéder à la plus chère de mes espérances et quelques secrètes appréhensions devant l’inconnu du lendemain. En ces temps où n’existaient, pour les collégiens, que les vacances d’été, je partais, je ne l’ignorais point, pour dix longs mois. Et je m’en allais à Sainte-Thérèse, à cinquante milles de mon chez-moi : distance considérable pour le petit campagnard qui n’avait bougé de la maison paternelle que pour une promenade de trois jours chez les grands-parents, dans la paroisse voisine de Saint-Lazare, et pour deux courses à Montréal, courses où j’avais accompagné ma mère pour l’aider à porter ses paquets. À Montréal, nous n’étions guère allés plus loin que la partie ouest de la rue Notre-Dame, point extrême de la grand-ville que n’osaient d’ordinaire dépasser les gens de la campagne. Et Sainte-Thérèse, c’était pour moi le pays inconnu ; je n’y connaissais presque personne, sauf un séminariste et deux collégiens de ma paroisse, beaucoup plus âgés que moi. Mon père, ce matin du départ, avait attelé son quatre roues pour me conduire à la gare. Dans la maison, ma mère, qui voyait à mes derniers préparatifs, ne cachait pas ses larmes ; mes petites sœurs pleurnichaient dans