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VI

AU GRAND SÉMINAIRE

Pendant l’été qui précède ma prise de soutane, je ne change rien à mon régime habituel de vacances. Je me livre tout entier, comme d’habitude, aux travaux des champs. Je m’y livre avec plus d’émotion peut-être. Ce sont là, je le sais, mes dernières relations avec la terre paternelle. Ces vacances se termineront par l’épisode du « Dernier Voyage », toujours émouvant pour un petit campagnard. Un autre de ces adieux où l’on laisse tant de soi-même. Je me réserve pourtant, comme en toutes mes vacances d’été, des heures de solitude et de lecture. J’écris des articles pour Le Salaberry, petit journal de Valleyfield, propriété du Notaire Boyer, père de l’un de mes confrères de classe à Sainte-Thérèse (André Boyer). J’ai conservé ces articles dans l’un de mes spicilèges. Je me permets d’écrire, sous le pseudonyme de Léo, et sur des sujets aussi graves que ceux-ci : « Angleterre ou Russie ? », « Le Vatican et l’assassinat d’Humbert », « En Chine, les causes de la crise ». Je ne pense pas, sans plaisir ému, à ces écrits ou à ces heures de lecture que je me ménageais à chacune de mes vacances. Heures d’isolement passées dans le vieux grenier de la maison, sous le toit en pente. Je m’étais arrangé là, près de la cheminée, entre deux petites fenêtres donnant sur le jardin, une minuscule table branlante. Appuyés à la cheminée, quelques pauvres rayons en planches brutes portaient toute ma bibliothèque de ce temps : pour la plupart, des livres