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mes mémoires

Curotte délaisse sans façon Hurter. Il nous plonge à fond dans saint Thomas, au grand désespoir des pauvres confrères peu habitués à se passer de manuel, ni à capter un cours au moyen de notes. Entraîné à ce procédé dès mes études de philosophie à Sainte-Thérèse avec l’abbé Jasmin, il ne m’est pas trop difficile de suivre et saisir, en sa charpente, la syllogistique du cours de dogme. Le professeur argumente, du reste, avec une vigueur, une clarté triomphantes. Quel plaisir de l’esprit que de le voir édifier ses thèses si solidement liées, sans longueurs, sans bavures. De la clarté et de la vigueur didactique du sommet à la base. Colonnes de granit ou plutôt colonnes lumineuses. Du même coup m’est révélée l’éminente supériorité de l’enseignement thomiste de la théologie que je ne connaissais encore que par mes modestes incursions dans la Somme de l’édition Lachat. Que la vie ne nous ménage-t-elle plus fréquemment de ces sortes de rencontres avec de vrais maîtres ! Pour le reste, le Grand Séminaire n’a pas changé, ni d’esprit, ni d’atmosphère. L’abbé Lecoq en est toujours l’âme. Une influence, celle de l’abbé Henri Perreyve, continue d’agir fortement sur moi. De si grandes amitiés l’avaient entouré ; elles ne pouvaient manquer de m’attirer à lui. Je lis ses lettres à des jeunes gens, la plupart de ses ouvrages. Je me prends à l’aimer profondément, comme on aime un ami vivant. Je le répète : j’ai aimé Perreyve comme j’ai aimé ses maîtres : pas tant pour ses écrits que pour son caractère, son enthousiaste jeunesse et surtout pour son âme de prêtre que j’aurais voulu transposer dans la mienne, jusqu’en ses moindres traits. Perreyve avait été un ardent ami des jeunes. C’était assez pour me le rendre cher.