autre jour, il m’arriva au no 847 est, de la rue Sherbrooke, où j’habitais en ce temps-là, et, cette fois, pour m’annoncer, en grand secret, sa sortie prochaine du Canada et la fondation d’un nouveau journal, encore un quotidien, mais qu’il voulait indépendant et de haute tenue intellectuelle. Le journal s’appellerait L’Ordre. Asselin manifestait la joie d’un prisonnier qu’on libère. Autour de lui il allait grouper une jeune équipe de toute première valeur. Il tenait son affaire ; il en était exalté. Le 10 mars 1934, L’Ordre parut. Journal brillant, rédigé par une équipe d’opinions assez bigarrées, mais d’une fort belle tenue. Là encore, le cher Asselin gâterait son affaire, et pour des bagatelles que son imagination déformante allait démesurément grossir. Ainsi, pour je ne sais plus quelle phrase suspecte dénichée dans le Messager du Sacré-Cœur, il ouvrit le feu sur les Jésuites. Et je ne sais plus en combien d’éditoriaux il ressassa l’affaire. Il commit quelques autres indiscrétions qui lui valurent un monitum public du cardinal Villeneuve. L’Ordre, déjà mal en point en ses finances, cessa de paraître quelque temps après. Au journal quotidien, Asselin substitua un hebdomadaire : La Renaissance. La Renaissance, en dépit de son nom, ne connut pas longue vie. Hélas, Asselin allait finir sa carrière où il l’avait commencée : dans le rôle d’un fonctionnaire du gouvernement de Québec.
Ce frondeur incorrigible avait pourtant un cœur d’or. En même temps que, d’une plume impitoyable, il menait ses violentes polémiques, il trouvait le moyen de s’occuper d’une œuvre d’insigne charité, œuvre de miséricorde éminemment méritoire : l’œuvre des clochards du bas de la ville, aux environs du port. Un nommé David qui avait fondé cette œuvre la lui jetait un jour sur les bras. Asselin l’accepta et on le vit s’y donner avec sa fougue coutumière. Sur son invite, l’abbé Philippe Perrier s’en constitua l’aumônier. À eux deux, ces hommes allaient brasser de la besogne. L’œuvre consistait à réunir ces malheureux sur place, dans les entrepôts ou magasins déserts non loués, à leur fournir logis et nourriture, ainsi que le service religieux. Asselin se voua