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mes mémoires

Pierre Homier (Père Joseph-Papin Archambault), puis Anatole Vanier vont tenir la plume à cette tribune. Guerre aux compagnies d’utilité publique ; guerre au gouvernement fédéral, à ses fonctionnaires, à ses politiciens ; guerre aux maisons de commerce ou d’industrie qui attentent aux droits de la langue française ou qui rechignent à lui faire la part qui lui revient. Guerre, pour les mêmes motifs, aux fanatiques des provinces anglo-canadiennes qui combattent ou gênent l’enseignement du français dans les écoles des minorités canadiennes-françaises ; guerre à notre propre enseignement du Québec, pour ses tendances à l’anglomanie ou son manque de sens national ; guerre à notre petit peuple, qui, par faux souci du gain ou par sotte anglomanie, lui aussi, maquille à l’anglaise le visage sacré de son pays français. La langue française, c’est alors, pour les patriotes, une Grande Dame : « Sa Majesté la langue française ». Honnis soient ceux qui lui refusent ou lui contestent ses droits de souveraineté ! Pierre Homier et Anatole Vanier se tiennent à l’affût de toutes les attaques, de tous les manquements et les dénoncent sans merci. Voilà bien, à coup sûr, le secteur où L’Action française a combattu avec le plus d’énergie et une infatigable ténacité.

Ces deux collaborateurs surveillent spécialement le gouvernement fédéral qui observe de façon si mesquine le bilinguisme constitutionnel. L’Action française appuie de toutes ses forces ceux qui livrent alors la bataille pour l’obtention du timbre-poste et du timbre d’accise bilingues. Par suite de l’imprévoyance, hélas ! des Pères de la Confédération et par la faute aussi du laisser-aller de leurs successeurs, il est arrivé que ce gouvernement d’Ottawa, officiellement bilingue en théorie et en droit, ne sait encore montrer à l’étranger et au monde international, jusque vers 1920 et même après, qu’un visage anglais : visage anglais dans son drapeau, dans son chant national, dans ses timbres-poste et ses timbres d’accise ; petits riens du tout en apparence qui, cependant, s’en vont crier, à travers le monde, la nationalité d’un État. Un jeune étudiant canadien-français de l’Université de Louvain nous signale douloureusement la chose en 1927 :

Depuis un peu plus de trente jours que je suis ici, on m’a demandé à peine un peu moins de trente fois si on enseigne le français au Canada… « Il n’y a pas d’universités chez vous ? »… « Quelle langue parle-t-on dans les familles ? » « Dans vos col-