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mes mémoires

hommes de doctrine, hommes d’autorité dont le prestige s’imposait. Ce trio a-t-il été remplacé ? En nos stupides divisions, en nos confusions babéliques, combien pourtant nous aurions besoin de ces maîtres de vérité. Et quelle génération peut vraiment se passer de tels guides ?

Édouard Montpetit

Il a pris place très tôt parmi nos « vedettes ». À vrai dire, je l’ai peu connu et peu fréquenté. Il consentit quand même à se faire quelquefois le collaborateur de la revue. Nos relations n’allèrent pas beaucoup au-delà. Nous n’avons guère échangé de correspondance, sauf quelques mots de sa part, d’allure plutôt brève. Cependant, il prenait grand intérêt à l’œuvre de l’Action française. Invité à déjeuner avec nous, il répondait à Albert Lévesque, le 22 janvier 1928, s’excusant de son absence :

Dites bien mes regrets à M. l’abbé Groulx, avec mes vœux sincères et l’expression renouvelée de toute mon admiration pour son œuvre, à laquelle je prends tant de plaisir et de profit.

Une autre fois, je ne sais à quelle date, il m’écrivait ce billet :

Vous ne sauriez croire combien j’ai été touché de votre visite. Je vous en remercie de tout cœur. Et je me permets de vous redire ma confraternelle admiration.

Au printemps de 1943, alors que de fervents amis s’étaient mis en tête de m’obtenir un doctorat en droit « honoris causa » de l’Université de Montréal, il traçait de sa main, au bas d’une invitation officielle :

N.B. — Très heureux de l’honneur si mérité qui vous échoit !

L’un pour l’autre, nous avons donc entretenu une sympathie, assez proche de l’amitié. Encore collégien, Montpetit était devenu presque célèbre dans nos cercles de jeunes. Étudiant en théologie au Grand Séminaire de Montréal, je me rappelle qu’on nous montrait avidement, déambulant sur les longs trottoirs de la cour, un jeune homme de vingt ans environ, de teint très brun, d’une épaisse chevelure noire, d’une démarche lente, mesurée,