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troisième volume 1920-1928

Quelques-uns croiront peut-être y découvrir un peu de pessimisme. J’aime mieux y voir l’intention sincère d’infuser à notre peuple plus de virilité, de l’engager à promouvoir avec plus de zèle éclairé ses intérêts économiques : ce qui ne peut que servir la cause de notre foi, en même temps que de notre race.

Il est un autre témoignage que je ne puis oublier : celui que mon grand ami m’accordait en juin 1937 : sorte d’absolution à la veille d’un événement où le suffrage ne serait pas superflu, je veux dire à la veille de mon discours au 2e Congrès de la Langue française. Ce témoignage, je le trouve dans la livraison de juin de la revue Le Canada français (1937). Mgr Paquet y expose les « Trois obstacles à la paix mondiale ». Et voici le passage que, dans le temps, je n’ai pas lu sans quelque émotion :

Pour ce qui est du patriotisme ethnique en particulier, qu’on l’appelle racisme ou nationalisme, du moment qu’il est contenu dans les limites des vertus de prudence, d’équité et de modération, on ne saurait en contester la légitimité. Toutes les races n’ont-elles pas été créées par Dieu, et n’ont-elles pas, selon les dispositions de sa Providence, un rôle à jouer sur la scène très variée de ce monde ?

Dans l’une de ses lettres si remarquables, Pie XI reconnaît « un sentiment de juste nationalisme que l’ordre légitime de la charité chrétienne non seulement ne désapprouve pas, mais sanctifie et vivifie en le réglant ».

C’est — pour le dire en passant — en s’inspirant de cette doctrine (dont l’interprétation exige sans doute de la mesure) que l’un de nos plus distingués compatriotes, M. l’abbé Lionel Groulx, s’emploie si brillamment et si activement, dans ses vigoureux écrits, à stimuler, à aiguillonner chez les nôtres la fibre patriotique et la fierté nationale.

Ce théologien éminent, on le notera, écrivait ces lignes bien avant le vaste et radical mouvement d’émancipation des jeunes peuples d’Asie et d’Afrique. Son témoignage de 1937 et beaucoup de ses lettres que je ne puis citer auront compté parmi les encouragements les plus réconfortants de ma vie. L’auteur du portrait de Mgr Paquet en 1924 lui avait décerné cet hommage et ce titre mérités et acceptés de tous : « Le premier prêtre du Canada français ». Ils étaient trois, en ce temps-là, dans notre clergé, qui émergeaient de toute la tête : aux côtés du prélat québecois, l’abbé Philippe Perrier, l’abbé Arthur Curotte. Tous trois,